De la viande en éprouvette
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Le dimanche 11 février 2007
Mathieu Perreault La Presse
Il est rare que des producteurs de viande et des défenseurs des droits des animaux soient du même côté de la clôture. Et pourtant, Jason Matheny reçoit régulièrement des appuis de la part de groupes comme People for the Ethical Treatment of Animals, qui considère que manger un hamburger est de la «McCruauté», ou In Defense of Animals, notamment responsable de l'interdiction du foie gras dans les restaurants de Chicago.
Jason Matheny, économiste à l'Université John Hopkins à Baltimore, est l'un des fondateurs de «New Harvest», un groupe qui veut produire de la viande en éprouvette. Deux technologies ont été mises au point entre 2002 et2005 par la NASÀ et un groupe de recherche dont fait partie M. Matheny.
Des biologistes hollandais y travaillent également depuis l'an dernier. Deux avenues sont possibles. « On peut prélever un morceau de muscle sur un animal et le faire grossir en laboratoire, explique M. Matheny en entrevue téléphonique. C'est la voie choisie par les chercheurs du collège Touro, à New York, qui travaillent avec la NASA.
Ou on peut prendre des cellules souches, les transformer en cellules de muscle et les faire se multiplier. Cette approche est plus efficace jusqu'à maintenant.» Ces recherches sont issues de technologies biomédicales permettant par exemple de cultiver des greffons de peau.
Le problème, c'est que les prix ne sont pas les mêmes dans les hôpitaux et chez le boucher. «Pour le moment, il en coûte environ 10 000 $ pour fabriquer une livre de viande en éprouvette, précise M. Matheny. Ce n'est pas un problème pour les greffes de peau. Mais personne ne va payer cette somme pour un hamburger, même s'il s'agit d'une personne qui se sent coupable de la souffrance des animaux d'élevage.»
Baisser les coûts
La bonne nouvelle, c'est que les coûts ont baissé «d'un ou deux ordres de grandeur « depuis les débuts des recherches, selon M. Matheny. En d'autres mots, le coût de production d'une livre de viande en éprouvette était au départ de plusieurs centaines de milliers, voire de millions de dollars. « Le secret réside dans le milieu de croissance. Il faudra en inventer un qui correspond aux coûts de production du secteur agroalimentaire. Ceux que nous utilisons ne sont que des adaptations des milieux de croissance biomédicaux. Je pense qu'il faudra au moins une dizaine d'années pour arriver à une solution viable.
«Un autre problème sera d'organiser la croissance de la viande de manière à ce qu'elle ressemble à un steak ou à une poitrine de poulet. Mais M. Matheny souligne que des progrès importants ont été réalisés dans la réalisation de greffons à partir de simples cellules. Il est notamment possible de fabriquer des artères et différents organes comme une vessie.
La NASA, qui veut diversifier l'alimentation spatiale en prévision des missions à long terme sur la Lune ou vers Mars, travaille aussi sur le poisson. Quant aux Hollandais, leur intérêt vient de la densité de population de leur pays, selon M. Matheny. « Les Pays-Bas sont un important producteur de porc. Ça cause des problèmes environnementaux et comme la population urbaine vit très près des campagnes, il est impossible d'ignorer ces problèmes comme on le fait en Amérique du Nord. Alors le gouvernement finance beaucoup de recherches sur les substituts à la viande. Cela va des ersatz produits à partir de fèves à la viande en éprouvette.
«Pourquoi ?L'intérêt de M. Matheny pour cette technologie provient de ses études en santé publique. « Je m'intéressais notamment à l'impact sur la santé de nos méthodes de production agricole. On peut penser aux maladies cardiovasculaires liés à la teneur en gras de la viande, à la salmonellose qui touche la moitié de la viande aux États-Unis, à la pollution des cours d'eau, à la production par les troupeaux de méthane qui augmente l'effet de serre et à la grippe aviaire qui est en grande partie due au confinement et à la concentration de la volaille dans les fermes asiatiques.
« La viande en éprouvette permettrait de régler beaucoup de ces problèmes. On peut aussi imaginer des viandes qui contiennent davantage de composés bénéfiques comme les oméga-3, ou une combinaison de gras moins néfaste pour la santé.» La technologie pourrait aussi diversifier le contenu de nos assiettes. Le magazine The Economist a ainsi imaginé que la viande d'animaux exotiques en voie de disparition pourraint être cultivée en éprouvette. Par exemple, un steak de panda géant.
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